Quand le logement
se fait rare« Les préoccupations d’environnement comptent beaucoup dans le refus des citadins de voir densifier leur quartier »
Bien sûr, on compte 37,2 millions de logements en France… mais le logement reste rare ! D’abord parce que notre pays compte 67,3 millions d’habitants. Mais aussi parce que chaque année, de nouvelles générations s’installent et cherchent un appartement ou une maison. Il faut compter aussi avec les difficultés familiales : quand un couple se sépare, il faut deux logements au lieu d’un. Il faut ajouter aussi les arrivées en provenance de l’étranger et les départs pour expatriations. Enfin, il faut tenir compte, parmi les logements, des 6 millions de résidences secondaires ou logements vacants. Bref, beaucoup de familles sont à la recherche d’un toit : 1,7 million de ménages sont en attente d’un logement social en France. Les files d’attente pour obtenir un HLM se sont allongées du fait du niveau élevé des loyers dans le parc privé (+ 20 % en huit ans).
Pour couvrir les besoins, il faudrait construire 500 000 logements neufs chaque année. On en est loin. En 2020, le nombre des mises en chantier atteignait péniblement 376 000. «Une crise majeure de l’offre se prépare» alerte le rapport de la Commission d’élus et responsables présidée par François Rebsamen, maire de Dijon.
Pourquoi cette rareté du logement ?
D’abord parce que les permis de construire sont délivrés au compte-gouttes. Les préoccupations d’environnement comptent beaucoup dans le refus des citadins de voir densifier leur quartier. Un climat général de rejet de la bétonisation aboutit à refuser les projets de construction. Il faut aussi souligner que pour beaucoup, la construction de logement social fait naître des craintes liées à l’arrivée de nouvelles populations issues de l’immigration. Tout cela aboutit à ralentir la construction de logements. La mise en œuvre de la loi SRU, qui impose un quota de 25 % de logements sociaux dans chaque commune, est difficile : certaines communes préfèrent payer les pénalités plutôt que de l’appliquer.
Au nombre des obstacles figure aussi le souci de préserver les espaces cultivés. Il faut savoir que chaque année 820 millions de m2 de terres agricoles disparaissent, du fait de la construction de routes, de zones d’habitat, de centres commerciaux, etc. Les paysans s’en inquiètent, mais aussi l’opinion publique qui voit disparaître des paysages, des modes de vie traditionnels.
Ces déséquilibres entre les besoins de logement et l’offre, sont particulièrement forts dans les « zones tendues », en Île-de-France, autour des grandes métropoles et des bassins d’emplois.
Les prix s’envolent, les écarts se creusent
Les prix de l’immobilier, du fait de la rareté, ne cessent d’augmenter. L’observatoire Crédit Logement fait le bilan : + 5,6 % entre 2019 et 2021 pour la France métropolitaine. Des hausses de + 9,3 % à Nantes, de + 6,5 % à Lyon, les + 8 % sont dépassés à Lille, Strasbourg, Montpellier… Certaines villes ont connu une véritable flambée, comme Angers (+ 18,8 %), Brest, Mulhouse ou Orléans.
Les ménages qui veulent acheter leur logement peuvent compter sur des taux d’intérêt historiquement bas : ils n’excédaient guère 1 % en décembre 2021. Ce qui facilite l’accès au crédit des ménages aisés. Il n’en va pas de même pour les familles modestes, ni pour les jeunes. Car pour eux des mesures nouvelles tendent à les écarter purement et simplement de l’accession à la propriété. Ainsi, le Haut Conseil de Stabilité financière a demandé aux banques de ne plus accorder de prêts à 110 % de la valeur du bien. Ce dispositif permettait aux jeunes d’emprunter sans apport personnel, puisque le prêt couvrait les « frais de notaire ». Résultat : une éviction nette des jeunes ménages. De même les banques ont été invitées à limiter la durée de remboursement des prêts.
Ce raccourcissement de la durée de remboursement, en augmentant le montant de la mensualité, pénalise les familles modestes. L’Observatoire Crédit Logement nous indique que les prêts à plus de 25 ans sont à présent descendus à très bas niveau (0,1 % au 4e trimestre 2021). Et surtout, les banques exigent un niveau de plus en plus élevé d’apport personnel. Là encore, les jeunes, les ménages modestes sont pénalisés. « Une sortie du marché des clientèles les moins bien dotées en apport » note l’Observatoire. Les catégories B et C de la fonction publique, les jeunes fonctionnaires, sont directement touchés. Un comble, lorsqu’on songe aux compliments dont on les couvrait au moment de la crise sanitaire : ceux qui ont tenu bon dans la pandémie (hospitaliers, services de secours et de sécurité…) sont au premier rang des exclus de l’acquisition de leur logement. Et pourtant, quand on considère le montant moyen des retraites, leur évolution peu encourageante, y aurait-il politique plus intelligente que de les aider à acquérir leur résidence principale, pour ne plus avoir de loyer à payer, quand l’heure de la retraite sera venue ?